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Entretien avec Sarah Macneil, CIL 1985

Portraits

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01/02/2024

Sarah Macneil, 

Léonard de Vinci 1985, 

Evêque émérite

Entretien avec Marie-Christine Armaignac, pour la mission Egalité Femmes Hommes de la Confédération internationale des anciens de l’ENA et de l’INSP.

Après une brève carrière dans le service public australien et sa scolarité à l’ENA, elle a entamé des études de théologie et a été ordonnée diacre de l’Eglise anglicane d’Australie en 1993, et prêtre en 1994. Nommée Doyenne de la Cathédrale Saint Pierre à Adélaide en 2009, elle a été la première femme consacrée Evêque diocésaine en 2014. Elle a pris sa retraite en 2018. 




A quel moment de votre parcours professionnel avez-vous eu l’idée de faire cette scolarité à l’étranger, et pourquoi à l’ENA ?

Je travaillais au Département australien du commerce et on m’a proposé d’étudier à l’ENA. Je parlais couramment le français et j’avais passé quelques mois à étudier à Paris. J’étais donc très heureuse de me retrouver à Paris et de faire partie d’un groupe international d’étudiants à l’ENA


Qu’avez-vous appris à l’ENA INSP et en quoi ce passage a-t-il infléchi votre trajectoire professionnelle ? Est- ce que vous recommandez ce passage par l’INSP à des jeunes de votre entourage ? 

Peu après mon retour en Australie, ma carrière a pris un tour inattendu : j’ai quitté le service public pour étudier la théologie afin d’être ordonnée au sein de l’Eglise anglicane d’Australie. Dès lors, ma formation à l’ENA ne m’a pas été aussi directement utile que si j’étais restée dans le service public. Pourtant ce fut une précieuse experience de rencontrer des personnes d’origines aussi diverses et d’étudier avec elles. C’est un excellent réseau, surtout si vous envisagez d’exercer des fonctions en Europe. Cela apporte aussi une connaissance approfondie de la société française, de sa vie politique et culturelle…et de sa bureaucratie !


Dans votre parcours professionnel, quels ont été les leviers ou, à l’inverse, les freins qui vous ont permis, ou pas, d’accéder aux postes de responsabilité ? Pensez-vous que la contrainte réglementaire – par exemple les quotas- soit la meilleure manière d’obtenir la parité entre les femmes et les hommes ? 

Quand j’ai entrepris mes études de théologie en Australie, les femmes ne pouvaient pas être ordonnées prêtre ou évêque de l’Eglise anglicane. Tout cela a changé, et il y a maintenant beaucoup de femmes qui sont ordonnées. Cependant, même si les régles ont changé, il y a toujours des obstacles liés aux comportements et peu de femmes accèdent aux niveaux décisionnels. Je crois vraiment qu’une politique volontariste, par exemple à travers des quotas, est nécessaire – à la fois pour encourager les hauts potentiels féminins et déjouer les biais inconscients du système. Le service public australien a mis en œuvre des mesures efficaces à cet égard. 


La question de la conciliation de la vie professionnelle et familiale a -t- elle connu des évolutions favorables dans votre univers professionnel ? Le « présentéisme » y est-il la norme, et le télétravail a-t-il simplifié ou compliqué la gestion des temps ?

Oui, dans la société australienne il y a eu une approche plus flexible du temps partiel, qui est maintenant considéré comme faisant partie intégrante d’un parcours professionnel. Il reste néanmoins que ce sont presque toujours les femmes qui choisissent de travailler à temps partiel quand les enfants sont petits. Cela tend à limiter l’expérience qu’elles peuvent en retirer, surtout si elles mènent des carrières exigeantes.


La maternité s’est-elle traduite par une mise en arrêt, momentanée ou durable, de votre progression de carrière, comme un « plafond de verre » ?

Non. J’ai travaillé à temps partiel pendant de nombreuses années, mais j’ai pu reprendre un temps plein quand mon fils a eu dix ans. Et le poste qu’on m’a proposé à ce moment-là était d’un niveau convenable. Mon mari avait une activité à horaires très flexibles. Cela nous a permis de partager la charge parentale. 


Votre carrière a-t-elle été épaulée par la présence d’un tiers ? Quels ont été vos « alliés » ? Avez- vous participé ou recouru à des réseaux féminins ?

Dans une certaine mesure, j’ai toujours eu des collègues femmes avec lesquelles je pouvais partager mes expériences et j’ai organisé à de nombreuses reprises des occasions de soutenir d’autres femmes dans le cadre de leur ministère. J’ai aussi bénéficié de l’appui de certains collègues masculins, et, bien sûr, de ma famille.

Pendant toute ma carrière, j’ai été la première ou une des premières femmes à atteindre un niveau élevé dans l’Eglise anglicane d’Australie. Cela constitue en soi un encouragement pour d’autres femmes à rechercher des positions éminentesLe vieux proverbe qui dit « Il faut voir pour vouloir » est plein de bon sens !


Avez- vous été confrontée à des propos ou agissements sexistes ? A des stéréotypes de genre?

Absolument ! Trop fréquents et trop nombreux pour en faire le compte !  Et, en s’accumulant sur toute une vie professionnelle, cela finit par être fatiguant… Mais la situation s’est certainement améliorée au fil de mes quarante années de vie professionnelle. Je vis dans l’espoir que ce que nous avons accompli pour mettre fin aux attitudes sexistes permettra aux générations futures d’être moins confrontées à ce problème. 


Savez- vous comment se situe votre univers professionnel en termes d’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes?

Même travail, même salaire ! Mais l’accès à des postes élevés n’est pas égal pour tous et donc les chances de travailler à des niveaux plus élevés – et de gagner de meilleurs salaires- ne sont pas les mêmes.


Quelles mesures pour l’égalité entre les femmes et les hommes avez-vous personnellement mises en œuvre, soit dans votre management quotidien, soit dans la conception d’une politique publique ? 

Etre une femme en position d’autorité a déjà un puissant effet d’entraînement vers l’égalité et j’ai ainsi noté que les femmes candidataient plus volontiers dans mon organisation. De plus, j’ai toujours recherché des femmes pour les postes et les salaires élevés, rappelé à mes collègues masculins l’importance d’avoir la participation des femmes à tous niveaux de l’organisation, et veillé à ce que mon équipe soit équilibrée et mette en œuvre toutes les mesures d’appui aux femmes dans leur vie professionnelle.


Croyez- vous qu’il existe un « leadership féminin » ou des pratiques managériales propres aux femmes ?

Bonne question ! Je pense qu’il existe, mais je ne sais pas s’il est intrinsèque ou s’il résulte de notre conditionnement culturel. Ce que j’observe, c’est que les femmes ont tendance à être plus conscientes de l’importance, pour un bon management, de la dimension relationnelle et de la communication.


Entretien réalisé en Janvier 2024


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