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Portrait d'Isabelle Saurat, Secrétaire générale pour l'administration au ministère des Armées

Portraits

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06/11/2020

Entretien avec Isabelle Saurat
(Promotion « Marc Bloch »-1997)
Secrétaire générale pour l'administration au ministère des Armées
Réalisé par Marie-Christine Armaignac, en novembre 2020,
pour la Commission Egalité Femmes-Hommes AAEENA


« Mobilité, engagement, maîtrise des outils numériques…mais aussi entourage familial et capacité à « saisir sa chance ».

Après une première carrière d'ingénieure chez IBM, Isabelle Saurat a rejoint le ministère de la Défense à sa sortie de l’ENA en 1997. A partir de 2002, elle alterne des fonctions RH et affaires financières dans ce ministère avec celles de Secrétaire générale au Syndicat des transports d’Ile-de-France puis à la Caisse des dépôts et consignations. Nommée en 2012 auprès du Secrétaire général du gouvernement, Directrice des services administratifs et financiers, elle est promue conseillère maître à la Cour des comptes en avril 2015. Après un passage chez Sopra-Steria Consulting, elle est nommée en 2018 Directrice de l'immobilier de l’État puis, en 2019, Secrétaire générale pour l’administration des armées.



Avez-vous conçu très jeune, par exemple dès la scolarité à l’ENA, votre trajectoire professionnelle, et comment s’est-elle plus nettement dessinée ? Avez-vous bénéficié de conseils ? Et sinon, quels conseils auriez-vous aimé qu’on vous apporte ?
J’ai passé l’ENA après une première carrière d’ingénieure dans le privé, dans l’informatique. J’avais donc plus de trente-cinq ans quand je suis sortie de l’ENA ; je n’avais pas vraiment d’idées préconçues sur ce que j’avais envie de faire, mais j’ai perçu, dès mon premier poste au ministère des armées, que les compétences acquises dans ma carrière précédente me seraient fort utiles, tant celles relevant de compétences techniques que de savoir-faire tels que comprendre l’environnement dans lequel j’arrivais, s’appuyer sur les bonnes personnes, savoir solliciter des conseils, tenter sa chance.

Et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont ouvert les portes, et cela, pratiquement à chaque étape de ma carrière, du secrétaire général de la Caisse des dépôts qui a su lire mon double parcours et m’a ainsi fait entrer dans la catégorie « Cadres dirigeants » de la CDC, dix ans après la sortie de l’ENA, au Secrétaire général du gouvernement, Serge Lasvignes, qui m’a confié mon premier poste de direction, auprès de lui, cinq ans plus tard. Et les responsables de la mission Encadrement supérieur ont su aussi me pousser à ne pas hésiter.


A partir de votre ministère d’origine, vous avez alterné des phases en cabinet ministériel, en établissement public, à deux reprises dans des entreprises privées et à la Cour des comptes : qu’est-ce que cette expérience vous apporte dans le pilotage de l’administration et de sa transformation ?
J’estime que c’est vital d’accumuler les expériences dans des environnements variés, pour, en remettant en cause ses certitudes, interroger les évidences, et ainsi être mieux à même de conduire la transformation d’une structure. Ces mobilités m’ont permis de rester à la pointe de l’innovation technologique et managériale et de me recharger en énergie pour faire bouger les lignes.


Sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la haute fonction publique, pensez-vous que l’atteinte de la parité doive se faire par une nouvelle loi, une sorte de « Sauvadet 2 » ? Quelles sont les mesures les plus efficaces, selon vous ? Quelles mesures avez-vous souhaité plus particulièrement mettre en œuvre ?
Il est certain que la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 et la loi du 6 juin 2000 qui a introduit la politique des quotas, ont ouvert ensuite la voie à la loi Zimmermann en 2008, puis à la loi Sauvadet en 2011. Les champs politique, économique et de la haute fonction publique se sont de plus en plus féminisés : Patricia Adam, première présidente de la commission de la défense à l’Assemblée Nationale n’a été élue qu’en 2012. Il est notable que les réunions de préfets ou les commissions de parlementaires sont bien plus féminisées qu’il y a dix ans. Et ce n’est que la loi du 4 août 2014 qui a étendu à tous les secteurs de la vie sociale le principe d’égal accès aux responsabilités des femmes et des hommes.

Aujourd’hui encore, dans un ministère régalien comme le mien, il faut, lors de la préparation de chaque nomination, débusquer les candidatures féminines, rarement identifiées de prime abord.

Un ensemble de dispositifs permet de progresser : une politique de viviers permettant d’identifier les futurs cadres supérieurs et dirigeants et de les préparer à leurs futures fonctions, une attention sans faille à la composition des jurys et à leur formation leur permettant de combattre les stéréotypes, des réseaux professionnels que je préfère mixtes, comme la Cour au féminin, ou Avec les femmes de la Défense, et qui ont à cœur de faire gagner la parité, des coachings personnalisés qui permettent de surmonter l’autocensure,…

Il faut aussi accepter, quand on est une femme dirigeante, de s’exposer, pour donner envie aux plus jeunes d’accomplir de belles carrières et de se projeter dans les plus hautes fonctions.


Comment conciliez-vous une implication très forte dans le travail avec l’équilibre de la vie personnelle ?
J’ai toujours été passionnée par mes métiers successifs et je ne pense pas avoir sacrifié ma vie personnelle. Cet engagement fort donne beaucoup d’énergie et de satisfactions. Et j’ai bénéficié, lorsque ma fille était petite, d’un mari et de parents très présents pour me permettre de vivre ma vie professionnelle intensément.

Je crois qu’aujourd’hui, c’est plus facile, car les outils du travail nomade sont largement répandus et permettent de mieux s’organiser. Je le vis concrètement dans mes fonctions : plus de parapheurs à signer au bureau en fin de journée ou le samedi comme il y a encore cinq ans. La dématérialisation a des avantages incontestables. Fin du présentéisme !

De façon plus générale, les « chartes du temps » doivent être appliquées partout, pour respecter le droit à la déconnexion, ou éviter de convoquer des réunions collectives qui démarrent après 17h.

La meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle concerne hommes et femmes, elle contribue directement à la qualité de vie au travail. J’y suis très attentive.


Vous avez, dans le contexte actuel, des responsabilités de gestion de crise ; avez-vous le sentiment que vous y étiez préparée ? Quelles leçons en retirez-vous pour l’exercice de votre métier ?
Mon premier métier m’a formée à la gestion de crise. Plus récemment, en 2008, j’étais à la Caisse des dépôts pendant la crise bancaire, et en 2015, à Matignon, lors des attentats de janvier. Je suis en poste dans un ministère où la gestion de crise fait partie intégrante des missions. Parce qu’elle est globale, la crise sanitaire a imposé des transformations à grande vitesse aux organisations. J’ai été très impressionnée par les capacités d’adaptation et d’innovation dont les personnels ont fait preuve pour faire face dans ces circonstances. Les missions essentielles et prioritaires*  ont été réalisées par 20 % des personnels du SGA qui les ont assurées en étant présents sur le terrain, et 60 % des personnels du SGA qui ont su s’adapter au travail à domicile, alors que fort peu étaient correctement équipés et que certains avaient aussi à s’occuper de leurs enfants. Ensemble, ils ont contribué directement à la résilience de la Nation. Je suis très fière de ce qu’ils ont accompli. Aujourd’hui, nous devons capitaliser sur la simplification des processus réalisée pendant la période et accompagner le développement du travail nomade.



* Les personnels qui n’exercent pas de missions relevant du plan de continuité ou dont la mission ne s’exerce qu’en présentiel mais qui étaient considérés comme vulnérables, ont dû rester chez eux – 20 % du personnel du SGA était dans l’une ou l’autre de ces situations.


Entretien réalisé en novembre 2020

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