Entretien avec Françoise CAMET pour la commission Femmes
07/10/2017
Françoise Camet, promotion Léonard de Vinci (1985), est aujourd’hui contrôleur général économique et financier dans le secteur du cinéma. Sa carrière débute au sein de la direction générale des douanes. Suite à une première période au cours de laquelle elle développe une expertise sur la production et la distribution des produits pétroliers ainsi que sur la fiscalité de ce secteur, elle devient responsable du suivi de la réorganisation des douanes après la réalisation du grand marché intérieur et la suppression des formalités aux frontières. Elle élabore alors une nouvelle carte des services et instaure des méthodes de travail privilégiant la mobilité des personnels. Cette expérience forte la conduira à devenir plus tard directrice adjointe, chargée du personnel et du budget puis directrice générale du Gaz de Strasbourg, société de 450 personnes.
En 2002, elle investit dans le domaine de la formation et devient directrice de la formation permanente et de la recherche puis directrice de la formation à l’Ecole nationale d’administration, poste qu’elle occupera jusqu’en 2012, année de son entrée dans le corps de contrôle général économique et financier.
Comment as-tu abordé ta carrière dès la sortie de l’Ena ?
Dès le départ, mon projet était clair. Il s’articulait autour de deux centres d’intérêt majeurs : poste à réalisation forte et/ou poste dans la transmission des savoirs et des compétences. Par ailleurs, il était important de jumeler cette ambition avec mon projet de vie, en couple avec trois enfants, tourné vers l’ouverture et la diversité des cultures. Ce cadre ainsi explicité dès le départ, m’a permis de choisir sans hésitation le poste dans les douanes. Il offrait une technicité approfondie, une dimension budgétaire et RH et me donnait des perspectives européennes voire internationales. Je pense que la définition claire de son projet professionnel et plus généralement de son projet de vie est essentielle. Tout choisir au sens du projet de vie global est fondamental. Il faut ensuite se donner les moyens d’en articuler toutes les composantes. Au fond, il s’agit de manager son propre projet.
Ton statut de femme a-t-il influencé ton parcours ?
J’ai été la première femme à occuper le poste de sous-directrice de l’organisation des services et des moyens. J’étais alors responsable de l’ensemble des services douaniers avec notamment le suivi des moyens aéro-maritimes (30 avions et 70 bateaux) ainsi que de 100 millions de crédits d’investissement. Je dois souligner que j’ai été très soutenue par ma hiérarchie. J’ai pris ces responsabilités dans un contexte de bouleversements profonds de l’administration des douanes. Cela exigeait de beaucoup parler avec les agents. Cette dimension empathique constituait une nouveauté mais fut totalement admise car produisant des résultats. Au moment où j’ai organisé la transformation des uniformes des agents de surveillance par exemple, j’ai porté moi-même cet uniforme. Je voulais montrer que je « me mettais dans leur peau ». Ce fut une très belle expérience ! Il y avait enfin la fierté d’une administration à se trouver à la pointe de la féminisation des postes à responsabilité. En cela, j’étais pionnière et ce rôle emblématique m’a portée.
Plus tard tu deviens directrice générale du Gaz de Strasbourg, société de 450 personnes. Que retires-tu de cette expérience ?
J’avais l’ambition de rénover l’organisation de cette société et j’ai engagé pour cela un e démarche qualité. Cela a très bien marché. Il est parfois difficile de mesurer l’empreinte qu’on va laisser. Mais le jour de mon départ, le personnel composé majoritairement d’hommes et en particulier de techniciens, s’est spontanément réuni pour un mouvement de protestation contre ce départ. Ce fut un moment d’hommage et de gratification extraordinaire. Voilà pourquoi il serait dommage de s’interdire de telles expériences !
Durant tes fonctions de directrice de la formation à l’Ena, tu as posé ton regard sur l’évolution des jeunes femmes élèves de l’école. Quelles observations souhaiterais-tu faire partager ?
Il y avait alors un véritable travail à faire avec les jeunes femmes. L’affirmation de l’autorité n’est pas de même nature entre les hommes et les femmes et ces dernières ont du mal à se frayer un chemin. On le voit notamment avec la chute du nombre de femmes entre l’admissibilité et l’admission au concours d’entrée. De ce point de vue, la réforme du concours a permis d’introduire des jeux de rôle et l’on sait que ces jeux permettent aux femmes de mieux se révéler.
Beaucoup de jeunes femmes, en fin de scolarité Ena ou en début de carrière, se posent la question de l’articulation vie professionnelle / vie familiale. Quels conseils donner ?
Tout choisir à 100% ! Mais ce choix va de pair avec la détermination et donc la hiérarchisation de ses priorités. De plus, la dimension financière permet de mettre en place une organisation adaptée. Mes conseils :
- Ne pas refreiner ses ambitions ;
- Faire des choix avec passion et non tactiques ;
- Etre en phase avec la culture de l’administration de son choix ;
- Préserver son environnement professionnel et privé ;
- Et… toujours garder la passion
Quelle est la femme qui t’inspire ?
Simone Veil est une femme extraordinaire. Sa venue à l’Ena après que les élèves ont choisi son nom pour la promotion de 2006, fut un grand moment rempli d’émotion. Nous avons admiré une femme guidée par la passion et renforcée par un projet de couple. Son destin et ses combats sont exceptionnels.
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