Rapport 2020 du Haut Conseil de l'Egalité sur la place des femmes dans les mandats locaux: luttes de pouvoir et stratégie du baobab .
24/12/2020
BILAN 2020 du Haut Conseil de l'Egalité sur l'évolution de la place des femmes dans les conseils municipaux et communautaires après les élections de juin dernier (Extrait du BQ)
"A la suite du renouvellement de l'ensemble des conseils et exécutifs municipaux et communautaires au mois de juin dernier, le Haut Conseil à l'Egalité (HCE) entre les femmes et les hommes vient de dresser le bilan global de la place des femmes dans ces instances et appelle à faire évoluer la loi. Nous publions ci-dessous des extraits de ce travail :
De timides avancées suite aux dernières élections municipales…
Lors des dernières élections municipales et communautaires, la part des femmes dans les conseils et les exécutifs des communes a marqué une légère avancée, dans un contexte législatif presque inchangé.
Toutes communes confondues, la part des femmes dans les conseils municipaux atteint 42,4 % contre 40 % lors du mandat précédent. Dans les communes de 1000 habitants et plus, la parité est quasiment atteinte (48,5 % de conseillères) et ce depuis les élections de 2014 pour laquelle des contraintes paritaires s'appliquaient déjà. Mais même dans les communes de moins de 1000 habitants, qui ne sont visées par aucune règle paritaire, la part des femmes parmi les conseillers et conseillères augmente légèrement, passant à 37,6 %, soit un progrès de plus de 3 points depuis 2014.
Les progrès se font aussi sentir parmi les maires : la proportion de femmes parmi les maires augmente et atteint 19,8 %, contre 16,9 % lors du précédent mandat. Cela représente 1000 communes de plus par rapport à la fin du mandat précédent, soit un total de 6858 communes sur un total de près de 35 000 communes. Toutefois, les femmes dirigent plus souvent les petites communes. 22,4 % des maires de communes de moins de 1000 habitants sont des femmes contre18,8 % pour les communes urbaines. Une exception toutefois dans les plus grandes communes : les communes de plus de 100 000 habitants enregistrent des scores encourageants avec 28,9 % de femmes parmi les maires contre 16,7 % avant les municipales de 2020.
Autre avancée intéressante : l'introduction d'une nouvelle règle paritaire, avec la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, qui semble porter ses fruits. Désormais, les adjoints des communes de 1000 habitants et plus sont élus sur une liste par alternance de sexe. Cette modification législative semble avoir eu un impact positif sur le pourcentage de femmes parmi les deux premiers adjoints, qui augmente de plusieurs points dans toutes les communes, et particulièrement dans les communes de plus de 1000 habitants. Toutefois, plus on s'approche de la fonction de maire, moins les postes sont occupés par des femmes (44,6 % parmi les autres adjoints, 42,2 % parmi les 2ièmes adjoints, 33,3 % parmi les 1ers adjoints).qui se font sentir, par ricochet, dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)
Chaque commune est représentée dans son EPCI par un ou plusieurs élus : généralement la ou le maire, accompagné le cas échéant d'un ou plusieurs autres élus, généralement des adjoints. La légère augmentation des femmes parmi les maires et les adjoint.es de l'ensemble des communes se répercute dans la composition des EPCI : Les femmes étaient 31 % dans les conseils communautaires en 2014. Elles sont désormais près de 36 %.- Elles étaient 20 % aux postes de vice-présidente. Elles sont aujourd'hui 25,6 %. De 8 % au poste de présidente, la part des femmes passe à environ 11 %.
Sans contrainte paritaire, le pouvoir reste aux mains des hommes Que ce soit dans les communes ou les intercommunalités, en l'absence d'obligations paritaires, le partage du pouvoir est encore loin d'être une réalité. Au-delà des progrès quantitatifs constatés, les chiffres globaux confirment l'exclusion des femmes des postes de pouvoir :
- 67 % des postes de premier adjoint sont occupés par des hommes ;
- 74 % des postes de vice-présidence d'EPCI sont occupés par des hommes ;
- 8 communes sur 10 sont dirigées par des hommes ;
- 9 EPCI sur 10 sont présidées par des hommes.
L'analyse détaillée des élus communautaires montre en outre la persistance de biais défavorables aux femmes selon la taille des EPCI ou en fonction de la composition politique et sociologique des instances (…). Au total, l'on observe un double-mouvement défavorable aux femmes : lorsque les hommes composent la majorité d'une CSP (73,1 % des agriculteurs, 57,8 % des cadres), le déséquilibre se creuse en leur faveur parmi les élus (84,9 % d'hommes élus parmi les agriculteurs, 64,2 % d'hommes élus parmi les cadres)- A l'inverse, lorsque les femmes composent la majorité d'une CSP (56,2 % des retraités, 75,1 % des employés), les femmes sont sous-représentées parmi les élus (64,4 % de femmes élues parmi les employés) et le pourcentage de femmes élues peut même être nettement inférieur à 50 % (26,7 % chez les élus retraités).
Des recommandations pour permettre aux femmes d'exercer le pouvoir à égalité avec les hommes : La parité porte un double objectif : une représentation égalitaire des femmes et des hommes dans les instances décisionnelles et un réel partage du pouvoir. C'est pourquoi, au-delà de la visée comptable, il est aussi nécessaire de s'interroger sur les conditions d'exercice des mandats, le partage des tâches, les stéréotypes sexistes à l'œuvre et les obstacles structurels qui empêchent les femmes d'exercer pleinement les fonctions à responsabilités pour lesquelles elles sont aussi compétentes que les hommes.C'est pourquoi le HCE porte des recommandations exigeantes à visée transformative.
En finir avec les zones blanches de la parité :
Le HCE recommande de ne laisser aucun espace politique local en dehors des obligations paritaires :- Dans les communes de moins de 1000 habitant.es, il s'agit d'étendre les règles paritaires qui s'appliquent aux communes de 1000 habitant.es et plus, autrement dit, de prévoir des élections au scrutin de liste paritaire et par alternance, pour le conseil et l'exécutif.- Dans les intercommunalités, l'élection de l'exécutif pourrait se tenir au scrutin de liste paritaire. Pour l'élection des conseils, le HCE avait proposé plusieurs scénarii en 2018.D'autres propositions pourront être faites. Enfin, afin de permettre à la parité d'advenir au plus haut niveau du pouvoir local, le HCE recommande d'instaurer un tandem paritaire (maire/1 er adjoint.e, ou président.e/1 er viceprésident.e) à la tête de toutes les collectivités territoriales et des intercommunalités.
Renforcer la limitation du cumul des mandats
Les EPCI sont un espace qui échappe pour le moment aux règles de non-cumul des mandats. En l'état, la législation prévoit une incompatibilité entre les fonctions de maire, président de conseil départemental, de conseil régional, ou du conseil territorial de Corse. Aujourd'hui, une fonction à la tête d'un EPCI est donc cumulable avec une fonction à la tête d'un autre exécutif local, ce qui permet à de nombreux élus de pratiquer la "stratégie du baobab". Aussi, le HCE recommande de renforcer les règles sur le non-cumul des mandats concomitants, pour qu'il ne soit plus possible d'être à la fois élu à la tête d'un exécutif local et président d'une intercommunalité. Par ailleurs, il n'existe à ce jour aucune limitation du nombre de mandats qu'il est possible d'exercer dans le temps, que ce soit dans l'exécutif d'une collectivité locale ou d'une intercommunalité. Le HCE recommande, pour favoriser le renouvellement des élu.es, de limiter les mandats dans le temps, en interdisant à un élu d'exercer plus de trois mandats à la tête d'un exécutif, plus de trois mandats au sein d'un exécutif local et plus de trois mandats parlementaires.
Défaire les mécanismes sexistes et les inégalités structurelles
Enfin, il est indispensable de desserrer les freins structurels qui empêchent, encore aujourd'hui, les femmes d'exercer le pouvoir à égalité avec les hommes. Ces freins sont constitués à la fois par les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, qui entravent l'exercice des mandats locaux pour les femmes, par le sexisme qui conduit à l'éviction et l'autocensure des femmes, et enfin par les violences sexistes et sexuelles auxquelles trop de femmes sont contraintes de faire face, que ce soit dans les organisations de jeunesse politique ou dans la vie politique elle-même.
L'état des lieux du sexisme en France en 2019 a énoncé un certain nombre de recommandations, et notamment :
- le financement des partis politiques sur des critères d'éga-conditionnalité ;
- le rééquilibrage de la répartition des délégations et des responsabilités administratives entre les femmes et les hommes élu.es dans les assemblées locales ;
- l'intégration d'un état des lieux de la répartition des délégations au rapport relatif à la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ;
- ou encore l'extension des missions de la Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie Publique à la question du respect de l'éthique en politique pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde politique.
- un rapport à venir sur la parité dans les communes et intercommunalités. La loi du 27 décembre 2019 prévoit d'étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements, via une modification du code électoral avant le31 décembre 2021.
Le HCE s'est saisi de ce sujet et publiera, en 2021, un rapport s'attachant à mettre en lumière les processus qui empêchent la parité d'advenir dans les communes et les intercommunalités, ainsi que des recommandations pour atteindre une parité effective dans les communes de moins de 1000 habitant.es et les intercommunalités.
Outre la répartition du pouvoir de manière formelle, ce rapport examinera la sexuation du travail politique, les conditions d'exercice des mandats locaux, ainsi que les actions menées pour une politique d'égalité femmes-hommes. Il proposera des pistes d'extension et d'amélioration des dispositifs paritaires au niveau local."
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